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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 16:04

 

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C’est une histoire que ma mère m’a souvent raconté, un moment important de sa vie, à la fois douloureux et percé d’orgueil, totalement constitutif de ce qu’elle est. C’est une anecdote qui a pris de l’importance au sein de ma propre histoire au fur et à mesure que je grandissais politiquement, en tant que pédé et en tant que féministe. Ma mère était adolescente dans les années 60. Passionnée de théâtre, elle aspirait à quelque chose d’étrange et de décalé pour l’époque. À 16 ans, elle participe à un casting organisé dans son lycée et est choisie pour incarner l’un des rôles principaux d’une fiction type nouvelle vague. Sa mère, ma grand-mère, lui interdira formellement d’aller au tournage. Plus tard, pour lui avoir « couper les ailes », elle lui dira « merde » au téléphone, et je mesure encore la fureur inouïe de ce geste quand elle me le raconte. Ma grand-mère, que je n’ai jamais connu, était une maman sévère et plutôt âgée qui même lorsqu’elle allait à la plage portait de lourdes robes et de grands gants noirs. La première fois que ma mère me raconte tout ça, c’est après avoir vu Créature Célestes, de Peter Jackson: « tu sais, moi aussi j’ai voulu tué ma mère, et je l’aurai fait ». Il y a un peu de tout ça dans Rebelle, ce qui explique sans doutes pourquoi je l’ai autant aimé : c’est un film magnifique sur la réparation d’un lien perdu entre une mère et sa fille, une œuvre sauvage et totalement originale ; Rebelle, car puissamment insoumise aux normes du conte de fées. Les studios Pixar ont bâti leur succès sur la promesse d’audaces techniques et narratives sans cesses renouvelées ; une quête artistique qui est aussi une machine à histoires :  tout comme Rémi le rat rêvait d’être chef étoilé, Mérida est une princesse de Disney qui rêve d’avoir son propre film et sa propre vie.

 

 

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Rebelle débute de manière charmante et plutôt classique : à peu de choses près, toute la première demie-heure est contenue dans la bande-annonce. On a déjà vu tout ça quelque part, l’humour, les tronches, la trame. Le terrain est connu, hyper balisé. À l’exception d’un détail, sidérant, la chevelure de Mérida, animée bouclette par bouclette avec une grâce et une précision folle : la technologie intégralement mise au service de la caractérisation d’un personnage. Mérida est sa chevelure. Le choc esthétique est inoubliable. La rencontre avec une sorcière sculptrice sur bois transforme doucement le récit : on comprend qu’il n’y aura pas de prince charmant, que Rebelle vient de bifurquer vers la possibilité d’un tout autre film. Quasi exclusivement féminin, comme l’était Bye Bye Blondie (??!?) cette même année, Rebelle réduit au maximum le pouvoir filmique de ses personnages masculins pour mieux se concentrer sur son improbable duo en fuite. Si la virilité est mise en scène de manière tendrement bouffonne, et les personnages masculins rabattus dans des seconds rôles édentées, loufoques et poilus des oreilles, ce n’est certainement pas sur la base d’un conflit de valeur entre un principe masculin défait et un principe féminin glorifiée, mais bien par inquiétude féministe, celle portée sur la nature même des récits : comment imaginer une histoire différente, qui ne reconduirait pas les mécanismes narratifs sexistes ? À quoi ressemblerait une fiction pliée par des conventions non-sexistes, qu’elle place y auraient les personnages féminins et qu’elle histoire faudrait-il raconter ? Politique du récit, politique du conte : la solution trouvée par Brenda Chapman est de mettre en forme son expérience vécue et ses affects à l’aide de figures et d’images inédites, la plus extraodinaire étant certainement celle de l’ours. Incroyable embardée féérique, la transformation de la mère de Mérida jusqu’à sa restauration est un peu l’équivalent cinématographique des stratégies féministe d’autonomie : se faire héroïne de sa propre histoire.

 

 

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On a peut-être déjà vu ça, peut-être, mais jamais  sous cette forme : beaucoup de choses passent dans ces grands yeux d’ours qui soudain deviennent noir comme ceux d’un requin. Les liens familiaux ne peuvent-ils pas, comme dans Rebelle, brusquement nous apparaitre inhumain ou non-humain ? Le temps s’étire, la scène n’en finit plus, l’ours va-t-il s’enfoncer dans la forêt pour ne plus jamais revenir ? On connaît cette fin, c’est celle de la Belle et la Bête, de Shrek et d’autres encore. La voilà réécrite, recousue, dans les grimoires, sur les tapisseries et même en blue-ray. Hyper audacieux. Beaucoup on vu en Mérida une héroïne lesbienne. Tan mieux. C’est la marque des grands films politiques : de ceux qui laissent de la place à nos subjectivité minorées pour se rêver et s’inventer elles-même. Il y a beaucoup de place dans Rebelle, beaucoup de silences, de questions, de respirations, pour pouvoir imaginer un tout autre cinéma de divertissement. Des contes impossibles qui se concluraient par des chevauchées en forêt, suspendues dans leur sauvagerie, totalement libres.

 

 

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