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25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 16:16

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Blanche-Neige Vs. The World

Part One

 

 

Blanche-Neige et le Chasseur est l’un de ces films tellement clinquants et mal foutus qu’ils donnent l’impression de se faire copieusement traire la cervelle par d’odieux capitalistes pendant prés d’une heure et demie. Du junk cinema pété de blés, torché par des cyniques et d’une laideur visuelle parfaitement angoissante. Au bout de 10 minutes de corbeaux et de maléfices j’avais déjà oublié ce que foutais au Pathé et pourquoi.

 

Le pourquoi en l’occurrence c’était ça :

 

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Tu tombes sur cette affiche dans le métro, mettons que tu sois un peu geek et que tu lises Causette, forcément tu penses GIRL POWER, tu t’imagines la princesse badass qui marrave des Balrogs entre deux parties de rollerderby, tu penses stéréotypes de contes de fées, tu penses déconstruction des normes de genre, tu penses Arya Stark, qui est ton idole, tu penses Mulan, qui est ton disney préféré. Et comme en plus il est précisé sur l’affiche que c’est les mêmes producteurs qu’Alice (on vend un film sur ses producteurs maintenant… ANGOISSE) tu te dis BON, ça fera toujours un bon article pour ton blog. Car tu tiens un blog, dans lequel tu encules le patriarcat de façon quasi hebdomadaire.

 

La promo hyper agressive de Blanche-Neige nous promet un conte de l’empowerment féminin bâti sur deux figures puissantes : Kristen Stewart en armure et Charlize Theron en Sharon Needles. Fini le temps des princesses endormies, les filles prennent le pouvoir, nous raconte en somme les affiches. Arrivé-e dans le cinéma, on s’attend donc à voir le conte dérailler, le récit perdre les pédales, la tombe des frères Grimm profanée par une armée d’Eowyn coupeuses de Nazguls. Mais rien de tout cela n’advient : à des années lumières de  la revanche tant espérée sur des siècles de lavage de cerveaux sexiste, nous découvrons une christian fantasy abominable et hyper normée.

 

Pourquoi l’enjeu était aussi important  et pourquoi cette nouvelle Blanche-Neige est-elle aussi décevante ? Pour le comprendre, il nous faut parler des contes, des récits et de leur politique.

 

 

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La revanche du Sphinx : Teresa De Lauretis et le récit mythique

 

 

J’ai parlé juste au-dessus de revanche : c’est précisément le sujet choisi par Teresa De Lauretis pour son article Desire In Narrative publié en 1984. La revanche en question, c’est celle de la Méduse sur Persée, du Sphinx sur Œdipe : la revanche des monstres sur les récits dont elles n’ont jamais été les héroïnes. Il est difficile d’évoquer Blanche-Neige et le Chasseur sans penser à un autre projet hollywoodien, sommeillant dans les cartons depuis des années, un temps dévolu à Tim Burton, et dont le tournage est aujourd’hui imminent : Maléfique, une nouvelle Belle au Bois Dormant racontée depuis le point de vue de la sorcière. L’importante présence visuelle de Charlize Theron sur les affiches et à l’écran laisse entendre que le film aurait pu s’aventurer sur cette voie de la sorcière. Pour De Lauretis, le Sphinx et la Méduse ont survécu à travers les récits mythiques sous différentes formes sans jamais jouir de leur propre histoire : personnifiant les lieux qu’elles habitent, elles sont sémantiquement associées à une fonction d’obstacle et de frontière que le héros mythique doit franchir pour s’accomplir. 

 

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Qu'entend-t-on par sémiotique féministe? À quel chantier correspond une politique du récit? De Lauretis pose la question en ces termes: "Comment, sinon par l'action de codes permettant la représentation et l'auto-représentation, les valeurs sociales et les systèmes symboliques peuvent-ils s'inscrire dans nos subjectivité? ". Il s'agit donc de comprendre comment la culture et les systèmes de représentation nous affectent, nous pénètrent et nous produisent en tant que sujet d'un monde inégalitaire et hierarchisé.

 

Pour le sémiologue Yuri Lotman, les récits ont « valeur de loi ». Inscrits dans un temps cyclique, ils mettent en scène des événements se répétant depuis des temps immémoriaux. Les récits populaires occupent une fonction similaire à celle d’une science : ils classent, ils régulent, ils organisent le monde en lui donnant une cohérence ; ils le transforment en système de normes. Le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, le dedans et le dehors, la vie et la mort. Pour De Lauretis, la différence qui précède toutes les autres au sein du récit est la différence sexuelle : le héros mythique, toujours masculin, est propulsé par le flux du récit à travers un monde qu’il découpe et organise. 

 

« En donnant un sens au monde, le récit n’a de cesse de le reconstruire sous la forme d’une fiction à deux personnages dans lequel le personnage humain s’invente et se réinvente lui-même depuis un « autre » abstrait et symbolique : la matrice, la terre, la tombe, la femme ; toutes, d’après Lotman, pouvant être pensées comme des espaces réciproquement identiques. La fiction prend le mouvement d’un passage, d’une traversée, d’une transformation activement vécue d’un être humain en homme. C’est ainsi que tout changement, toute transformation - qu’elle soit sociale, intime ou même physique - est finalement comprise. » (p. 122)

 

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La fonction psychosociale du récit est inhérente à celle de la culture en générale : offrir aux membres d’un groupe social des signes leur permettant de comprendre le monde d’une façon globalement similaire. D’après De Lauretis, la fonction du héros masculin et la fonction du récit se confondent : il s’agit pour la sémiologue de faire émerger un shéma narratif dominant qui structure en profondeur notre imaginaire autour d'une figure héroïque masculine posée en seul et unique sujet du monde. Ce concept lui permet d’interroger l’implication du cinéma de fiction dans la production de nos subjectivités, et en particulier de nos subjectivités genré-e-s (voir son concept de cinéma comme technologie de genre). Pour l’auteure, la tâche du féminisme est de réfléchir à des formes narratives inédites qui ne reconduiraient pas le mouvement d’un sujet-héros-homme à travers un espace non-homme : une fiction qui ouvriraient la possibilité d’une revanche.

 

En rentrant le week end dernier chez mes parents, j’ai mis la main sur des vieux dessins d’enfance dont deux m’ont particulièrement fait marrer alors que j’écrivais ce texte :

 

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et...

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« Le mécanisme du récit mythique est de produire l’être humain en tant qu’homme et tout le reste, pas même en tant que femme, mais en tant que non-homme : obstacle-frontière-territoire. » (p. 121)

 

 

Ces dessins résument à mon sens tout ce qu’on peut dire du conte et de sa politique. La façon dont les personnages sont disposés (sur la feuille, chronologiquement) et agencés les uns par rapports aux autres, un peu à la manière d’une formule mathématique, illustre très simplement la « valeur de loi » des récits mythiques ainsi que leur profond encrage dans nos systèmes de pensées. Les récits ont cette fonction de mettre en ordre nos paysages mentaux en distribuant le long de lignes de forces tout un répertoire de signes, de comportements, de gestes, de couleurs. Ce qui me ressemble ou ce qui m’est étranger, ce qui m’est bienveillant ou hostile, familier ou opposé, ce qui me transcende par en haut ou bien par en bas.

 

 

Quand mourir d’une pomme n’est pas consentir

 

Bien entendu, il existe de nombreuses héroïnes de fiction. Mais leurs aventures tendent moins à les faire advenir en tant que sujet de leur propre histoire qu’en tant qu’objet d’un récit qui les dominent et qui ne leur appartient pas: celui du héros, du prince ; des histoires au terme desquelles elles échouent systématiquement en tant qu’obstacle et/ou récompense.

 

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Tout comme sa besta la Belle au Bois Dormant, Blanche-Neige est une héroïne de la passivité : elle est définie en premier lieu par ce qu’on lui fait (subir, endurer) plutôt que par ses propres actions. On l’emprisonne, on la pourchasse, on l’abandonne dans les bois, on lui porte secoure, on l'étouffe, on l'empoisonne, on l’inhume, on la ressuscite et on l'épouse. Son unique initiative sera de préparer une tarte aux pommes pour les nains et de passer un petit coup de serpillère vite fait entourée d’écureuils. A aucun moment son accord n’est sollicité, ni même supposé : tous les évènements de l'histoire lui tombent dessus indépendamment de son consentement. 

 

Contre ce mécanisme narratif implacable, la figure de la princesse en armure intervient comme la possibilité d’une revanche, tout du moins d’une réparation. Cette nouvelle Blanche-Neige échappée d’un Game of Thrones merdique doit beaucoup à une lignée d’héroïnes guerrières dont elle emprunte les habits sans jamais honorer l'esprit féministe. J'ai pour habitude de démarrer une analyse cinématographique depuis une expérience extrême: extrêmement décevante, ou à l'inverse, orgasmique. Prendre son pied au cinéma est l'indice d'un investissement subjectif pleinement atteind et d'un processus d'identification vécu à un haut degrés d'incandescence. Essentiel lorsque l'on réfléchit d'un point de vue pédé-féministe comme ici: Fun is Political. Reprenons: deux scènes puissantes pour deux femmes puissantes.

 

"Whoever defines the codes or the context, has control...

...and all answers which accept that context abdicate the possibility of redefining it."

 Anthony Wilden


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La scène d’Eowyn et du Nazgul dans le Retour du Roi est un morceau de bravour dédié au pouvoir du langage. C'est aussi une critique des récits tels qu’ils sont racontés par les hommes. En se travestissant, Eowyn fait dérailler la prophétie millénaire dans laquelle le sujet générique est énoncé au masculin. « Aucun homme ne peut me tuer » : Eowyn démontre par l’absurde que l’énoncée est biaisée. En usant du pouvoir des mots (I AM NO MAN, punchline ultime) elle anéantit physiquement la légende, qui s’écroule tel un spectre. Le monde du discours et du langage est ainsi replié sur celui du merveilleux et de la magie pour n'en former qu'un seul: un monde où les conditions d'un spin-off féministe sont posées d'un geste éclatant. 

 

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En commettant un attentat féministe sur le terrain du langage, Eowyn est plus proche de l'oeuvre de Lewis Carroll que ne l'est la récente adaptation de Tim Burton. Mais cette nouvelle Alice, toute d'argent numérique vétue, n'en ai pas moins féministe. Refreshingly feminist, comme le soulignait à sa sortie le Washington Post. Du conte original, il ne reste que des lambeaux de poésie aliénée, récitée dans la brume par un Chapelier gothique à souhait. Remixée à la sauce fantasy, le conte de Burton se base lui aussi sur une prophétie dont Alice s'affranchit dés la première heure en s'imposant comme personnage de sa propre histoire ("I'll make the path!"). Son combat éminemment fun contre le Jabberwock (Christopher Lee, à qui elle coupe la chique) est animé par un programme politique en forme de comptine: six impossible things. "Impossible pour eux, dans l'état actuel des choses, mais pour nous?" se demandait Hélène Rouch en 1977. La tâche de cette Alice en armure est de faire plier le monde à sa volontée pour que l'état actuel des choses deviennent un chantier des possibles impossibles.

 

Si le plan marketing de Blanche-Neige et le Chasseur revendiquait clairement une parentée des formes avec Alice, Eowyn ou même Game Of Thrones, on peine au final à déceler la filiation politique qui lierait ces deux fantasy girls insoumises à cette Snow-White désespérement vide, réduite une fois de plus à une fonction de symbole, d'objet de convoitise, de support de sens et de désir. Pourquoi ne pas faire appel à une autre Blanche-Neige, sortie la même année sur les écrans, avec discrétion, certes, mais beaucoup plus de classe, et que tout oppose à sa rival en armure?

 

à suivre!

 

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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 13:46

 

Dés la naissance et jusqu’à la fin de la vie, l’ensemble des dispositifs sociaux et culturels tendent à nous produire comme sujets hétérosexuels. Ces dispositifs fonctionnent sur un mécanisme usé se décomposant à vitesse grand V et qui permettait jusqu’alors à l’hétérosexualité de s’imposer en règle naturelle et transcendante sans que rien ne justifie son existence en dehors des systèmes qui la re-produisent. Les évidences sont nos ennemis intimes. Insultant notre intelligence politique, nous nous étranglons dés qu'elles nous viennent aux lèvres. Dés lors, si l’hétérosexualité était aussi évidente, si la complémentarité des sexes était aussi profondément imprimée dans les circuits de l’espèce, pourquoi ces systèmes auraient-ils besoin d’une telle propagande, de telles incitations, de tels rappels à l’ordre ? Sans parler de la répression et de l’élimination physique de tout sujet s’écartant de la norme hétéro de façon plus ou moins tordue.

 

Les contextes qui autrefois pouvaient (éventuellement) justifier l’hétérosexualité obligatoire se perdent dans la nuit et ne sont plus effectifs aujourd’hui. De même, ce qui fait un homme et ce qui fait une femme, cette fiction qu’est la complémentarité des sexes au fondement de la culturelle hétérosexuelle, ce mythe est aujourd’hui mis à poil, dans sa plus totale virtualité. Ceux qui défendent encore ce système le font au nom de leur pure et simple haine : haine de tout ce qui excède leur monde, de tout ce qui déborde de leur slip, de tout ce sur quoi ils n’ont aucune prise.

 

 

Comme la plus part des enfants, j’ai tenté de m’hétérosexualiser par imitation. Notamment au travers d’observations quotidiennes très simples, très connes, comme celle que les hommes, dans la rue, se retournaient sur deux choses : les belles femmes et les belles voitures. N’ayant trouvé d’intérêt ni pour les premières, ni pour les secondes, j’éprouvais dans cette socialisation parfaitement ratée deux puissantes intuitions : d’une part que les hommes ne se retourneraient jamais sur moi dans la rue, et de l’autre, que le sexe avait plus à voir avec une panoplie d’attitudes et d’accessoires qu’avec une quelconque permanence programmée dans la vérité des corps. C’est dans cette inférence pédée, vécue dès la petite enfance, que réside notre intime conviction : la répression sexuelle et la bicatégorisation des sexes est une farce, un jeu, et puisqu’il s’agit d’un jeu, trouvons le moyen de nous en amuser plutôt que d’en crever d’ennui.

 

On a pathologisé jusqu’à la mort les petits garçons aimant à enfiler les robes de leur mère, alors qu’il s’agit d’une respiration politique à cultiver. Interdire aux pédés de se reproduire, au sens marsupial et socio-culturel du terme, a peu à voir avec la sauvegarde d’une complémentarité symbolique des sexes défendue par une poignée de réacs. Il s’agit plutôt d’une phobie, équitablement répartie à gauche comme à droite, dirigée vers la possibilité d’une anarchie. Interdire aux pédés d’élever des enfants en dehors du cadre hétéronormatif procède d’une stérilisation sociale globale dont le projet est d’entraver quel qu’en soit le prix la prolifération de politiques sexuelles explosives. Ce qu’on nous interdit, c’est d’élever nos enfants selon les principes de notre culture qui sont ceux du Magicien d’Oz, des plumes dans le cul, de Courtney Love, de Ab Fab, de la MD et du sexe fun avec partenaires multiples. La reconnaissance des couples homoparentaux est la première étape d’un programme de mise à sac global, au terme duquel tous les systèmes de domination devront être niqués. Ne jamais perdre de vue cet objectif, c’est s’interdire tout repos et toute fatigue face aux tartuffes clamant leur amour pour la Vie alors qu’ils n’ont aucune espèce de respect pour elle, et c’est promettre un véritable enfer aux découpeurs d’enfants prétendant œuvrer dans leurs intérêts mais que rien n’obsède autant que le contrôle et la mise en servitude des jeunes êtres humains. Un père et une mère sont les dernières choses au monde dont un enfant à besoin.

 

 Hélas, comme pour chaque victoire, comme pour chaque reconquêtes sur nos vies et nos corps, comme pour la contraception, comme pour le droit à l’avortement, il nous faudra inlassablement se justifier de ne pas en abuser, on nous rappellera sans cesse que ce n’est pas un droit réellement légitime mais une faveur qu’on nous fait, sans parler des réactionnaires qui inlassablement essaierons de nous l’enlever, de nous renvoyer 10, 20 ans en arrière. Avis aux malfaisants : rien n’entreverra jamais notre appétit de biologies !

 

 

 

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 22:59

 

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J’ai espéré jusqu’au dernier moment voir Denis Lavant débarquer sur la scène de Cannes et faire exploser le palais façon Tetsuo dans Akira, et puis non. Défilé de croulants, de barbichus, de tronches qu’on voit tous les mois en couverture de Télérama depuis 20 ans, et cerise sur le gâteau de riz, le discours de Ken Loach, parfaitement indigne, en mode « kikou les pauvres ON PENSE À VOUS ». Tout cela m’a donné le sentiment que ces gens n’aimaient pas le cinéma, ni l’ Art, ni les jeunes, qu’il fallait mettre un terme à tout ce bordel. On m’a dit que le vrai Cannes était en marge, hors champs, dans les Off, je veux bien le croire. Outre le concentré de misogynie dans lequel baignait le festival depuis le début, tout ce que j’ai vu à la télé m’a foutu les boules.

 

Ces deux dernières semaines, j’ai occupé le plus clair de mon temps à mater des photos de Denis Lavant sur Google Image et Tumblr, ce qui m’a rappelé l’époque où j’étais obsédé par Winona Ryder. Si quelque chose demeure chez Denis Lavant d’absolument obsédant (sa tronche, son torse, son ventre, son nez, et quand tout cela se met à bouger ensemble sur du Corona) c’est aussi le cas d’Alien, film obsédant au possible, film le plus obsédant jamais réalisé.

On ne peut qu’adorer Alien, comme on ne peut qu’adorer Denis Lavant, car tous deux nous ramène à ce constat premier, très matinal : j’ai un corps, okay, qu’est-ce que j’en fous maintenant ? Un comédien d’une part, une idée de science-fiction de l’autre, chacun nous ramenant à une expérience du corps éminemment passionnelle, limite scato, faite d’interactions incessantes avec tout ce qui compose notre environnement.

Corps ouvert à la clope, à la musique, à la drogue, au sable, à la lumière, Denis Lavant est une valve dispo à toutes les biologies. Et l’Alien est aussi cet engin fou, défonçant chaque cloison, chaque frontière culturellement établie par les systèmes de domination. Mâle/femelle, homme/animal, vivant/non-vivant, mécanique/organique. Avec sa chaine de reproduction déployée en cathédrale baroque, l’Alien « ouvre une porte de sortie au labyrinthe », celui « des dualismes dans lequel nous avons puisé l’explication de nos corps et de nos outils. » (Haraway, Cyborg Manifesto). 

 

 

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Quand j’ai eu 8 ans, j’ai commencé à devenir littéralement obsédé par Alien. Je réclamais tout le temps à ma mère de me raconter le film, alors qu’il m’était strictement interdit de le voir. Et l’histoire commençait toujours par : « Il y a un crabe, qui s’accroche au visage, comme une main, son sang brûle… » UN CRABE, nan mais vous connaissez un truc aussi génial à raconter à un gamin ?? C’est totalement parfait. Alien est un authentique film pour enfant, je n’en ai jamais douté. Une histoire tombée comme un cadeau, au moment où le sexe venait juste de s’emparer de mon esprit pour ne plus jamais le quitter. Pondre un œuf. Dans un ventre. D’homme. Violer un homme. Accoucher d’un animal. Sexuel. Dis, moi aussi je pourrais pondre un œuf dans un homme un jour ?? Un conte de fées.

 

…//

 

J’ai 11 ans, on est dimanche après midi, mon père cuve son rosé les vaisseaux du nez complètement explosés, je lui demande si je peux regarder Alien 3. C’est oui. Je me rue sur le magnétoscope avant que ma mère n’arrive, j’ai la culotte trempée sa race. Le film ne me marquera pas plus que ça : trop sombre, au sens usé et cramé du terme, à l’exception biensur d’une autopsie sur fillette et d’un générique d’ouverture parfaitement magnifique.

 

…//

 

J’ai 12 ans, je découvre Aliens en VHS chez ma grande sœur à Paris. On est entre jeunes, on mange devant la télé, c’est l’anarchie, NO RULES. Je vous mets au défi de trouver un truc plus cool que de découvrir la Reine Mère Pondeuse des Aliens à 12 ans. Je veux dire, à part lire Cujo quand t’es en sixième. Rien ne sera plus jamais pareil, le monde est transformé. Ce qui m’amène à dire : Les pastilles préventives du CSA ne sont rien d’autre que des instruments de violences: elles décrètent qu’un enfant est un con dénué de tout sentiment esthétique et philosophique, un moins-qu’humain qu’il faut maintenir dans un état d’anorexie politique totale. Désormais, ne dites plus : ce film m’a carrément traumatisé quand j’étais gosse ! Dites : ce film m’a pris pour quelqu’un de sensible et m’a fait grandir en dépit des politiques fascistes du CSA qui pensait pouvoir m’avilir. Nous sommes plus fort que ça. D’ailleurs, les Aliens ne connaissent rien à cette fiction de l’immaturité inventée par le patriarcat : ils-elles en naissent déjà tout armées, épée et bouclier, dans une explosion de sang.  Ça fait plus de 10 ans qu’Aliens est dans mon top 5 des meilleurs films du monde, c’est un chef d’œuvre qui ne vieillira probablement jamais, c’est LE film.

 

 

 

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Et voilà, une longue intro pour dire que non, je n’attendais pas du tout Prometheus... Enfin si bordel, biensur, c'est juste que le film est décevant, voilà, globalement on se sent touTEs couillonéEs.

 

 

 

- Spoilers -

 

Vendu de façon offensive comme une toute nouvelle mythologie, l’univers de Prometheus ressemble plutôt à une braderie haut-de-gamme de tout ce que la seconde moitié des 90’s a pu charrier comme babioles extra-terrestres, par la grâce d’M6 notamment. Et tout y passe : mysticisme, quête des origines, grossesse transgénique, conflit science/religion, race éteinte, holocauste spatial, la totale. Un répertoire que le scénariste Lindelof semble apprécier puisqu’il avait déjà livré une relecture médiocre de l’abduction flick dans Cowboy Vs Aliens. Si Prometheus cite les Tommyknockers, parfois au plan près (les monceaux d’aliens séchés, la fin) c’est X-files qui se voit le plus souvent convoqué, jusque dans ses motifs les plus cultes (l’huile noire, la soupe primordiale, les temps anciens visités). Le film carbure au new age le plus décontracté, à tel point qu’on est surpris de ne pas tomber sur un réptilien, là, peut être, sous la peau d’une Charlize Theron en mode Diana-Bitch dans V. Embarrassant également de voir Ridley Scott se prendre les pieds dans le kitsch dés les cinq premières minutes lors d’une scène ahurissante sensée introduire Noomi Rapace : Dis papa, c’est où qu’on va quand on est mourru ? Hein ? ça veut dire que maman elle est au ciel ? REPONDS MOI PAPA PUTAIN, ET BIM, Contact, Jodie Foster, tenez, encore un chef d’œuvre que tout le monde va réévaluer. Prometheus se cherche parmi toutes ces références sans en dépasser une seule (pas même Combattre le Futur) puis  finit par se trouver, quelque part, au milieu des tentacules, dans l’outrance, le Grand-Guignol (un zombi désarticulé, comme ça, GRATOS), dans l’accessoire de série Z (la flutine !!). Là où Alien créait du suspens avec un simple atterrissage, ou s’attardait cinq minutes sur la propagation d’un acide à travers les cales, Prometheus montre tout, tout de suite et trop vite. A peine a-t-on atterrit qu’on doit déjà enlever son casque à oxygène (l’arrivée sur LV-227 est un sommet de non-science-fiction).

 

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Une de mes scènes préférées dans Alien : celle où Ripley prend le pouvoir sur le film. Non, vous ne monterez pas à bord du vaisseau, vous devez respectez la quarantaine. C’est moi qui donne les ordres en ton absence, Dallas. Alien est un film simple, qui créer des personnages inoubliables avec peu de choses, et qui embrase l’imagination avec une poignée de détails immenses. Un squelette géant coulé dans un fauteuil bioméchanique. Une vapeur électrique bleue. Il faut voir ce que Prometheus fait de tout cet héritage : le final d’Indiana Jones 4, ou peu s’en faut. Si Prometheus 2 il doit y avoir (et il y aura, obviously), on espère voir la veine science fantasy/space opera explorée au max, dans l’esprit de sa très belle scène d’intro (et encore, à condition de faire au moins aussi bien que les Chroniques de Riddick, largement supérieure au film de Scott).

 

 

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Et puis il y a LA scène. Mais si. LA scène du film quoi. Feminist Frequency, a très bien démontré la façon dont les productions de SF récentes mettaient en scène des grossesses fantastiques en mode torture porn (voir la vidéo ici). Il s’agit de créer du suspens en martyrisant le corps des femmes au niveau de leurs fonctions reproductrices. Je ne sais pas quoi penser de cette scène d’avortement (le premier mot qui me vient à l’esprit). Elle est d’une part très drôle (« Error 404 : cet appareil n’est pas configuré pour une anatomie féminine. ») malgré son incohérence (c’est la machine de Charlize Theron) et on peut facilement y lire un moment d’empowerment pro-choix. Globalement, que raconte le film ? La naissance d’une coalition pirate entre la femme, l’alien et le cyborg, décollant à l’assaut du patriarcat blanc (figuré de façon très littérale par les géants bodybuildés). La fin de Prometheus est pleine de belles promesses, mais difficile de cacher sa déception, quand ce n’est pas l’écoeurement qui domine : matraqués depuis des mois par une pluie de teasers, les geeks méritaient mieux qu’une préquelle de préquelle, un énième film introductif. On s’est touTEs rué dans les salles, la thune est là, on l’a bien craché, et la pub a encore une fois gagné. Reste la sainte quadrologie, de toute façon vous avez touTEs le coffret chez vous. Profitez-en pour remater Alien Resurrection. Un bordel de film, un sommet d’humour lesbien et d’érotisme dark. Une toute autre classe. 

 

 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 21:26

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On a beau le connaître par cœur, le reconnaître de partout, le consommer sous n’importe quelle forme, l’imprimer sur des sacs ou y foutre des ventouses, l’univers de Tim Burton ne souffre pourtant aucune concurrence ni aucun équivalent en 2012. Depuis ses débuts au cinéma avec Pee Wee, Burton se transforme sans jamais se perdre, et il reste le seul (à un Hellboy 2 près) à savoir mettre en forme la différence, en tant qu’expérience vécue.

 

Cinémathèque pour enfants pédés, les films de Burton sont d’une puissance consolatrice sans égale : 12 blogs ne suffiraient pas à exprimer tout ce que le final de Beetlejuice m’a apporté comme réconfort étant gamin. Winona en lévitation sur du Belafonte et on sait qu’on sera toujours chez nous dans cet univers. Dire que ces films m’ont influencé est un euphémisme : ils m’ont puissamment construit, et sont au fondement d’absolument tout ce que je sais et comprends du monde ; tragique, salopé, festif et dégueulasse. Il y a tout chez Burton : le Magicien d’Oz de Flemming, le Freaks de Browning, les contes de Grimm et de bien belles musiques.

 

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Rien qu’un scène : Selina Kyle devient Catwoman. C’est la meilleure scène du monde, qu’on soit bien clair là-dessus, mais c’est aussi un sommet de cinéma purement fantastique (avec Cat People. Comme quoi!) Tout est là, bordel : c’est une scène de monstre, de sorcière, de super-héros et de magie noire. Personne n’a envie de voir des films comme les Batman de Nolan, ils sont à chier, du cinéma « adulte » au sens autoritaire et dominant du terme. Les films de Burton ne confisquent rien, ils sont à l’écoute de tout et de tout le monde. Voir Batman : le Défi  à 11 ans et en sortir rapiécé, guérit de tout ; cousu, décousu, recousu, comme tout ses personnages. La force du cinéma de Burton est une force réparatrice, celle de la réinvention de soi, des douleurs sublimées et de l’existence faite art.

 

Les femmes n’ont jamais eu de rôles très heureux chez Burton. Elles ont même tendance à partir en petits morceaux, littéralement, quand elles ne se décomposent pas vivantes. Un motif récurant que l’on retrouve une fois de plus dans Dark Shadows, sous une forme parfaitement sublime. Misogyne, le cinéma de Burton? Pas totalement, voir pas du tout en fait. On a d'un coté une mécanique de film d'horreur, plus psychologique qu'organique, qui privilégie le corps féminin comme défouloir émotionnel (ce qu'on retrouve parfaitement chez le cinéastre d'horreur Lars Von Trier), de l'autre une façon de les immortaliser, de les monter en puissance: le dernier plan de Batman Returns est dédié à Catwoman. C'est son film. Le cinéma de Burton est riche de personnages féminins drôles, intelligents, cyniques, et sa capacité à reprogrammer les codes de la masculinité n'est plus à démontrer (Johnny Depp, quoi).

 

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Dark Shadows est trop long, plutôt chiant et pas super drôle. Pourtant, et sans qu’on s’y attende, les 10 dernières minutes vous foutent par terre, vous attrapent et vous fument : on croit le film fini et voilà qu’on le redécouvre intégralement comme une variation camp sur le thème de Sweeney Todd. Passé une heure à serrer les fesses entre des blagues vues 15 000 fois (« un sarrasin dans une chariote du diable » ) et un rythme à coté de la plaque, on est vite séduit par cette fausse comédie déchargeant sa bizarrerie par à-coups (le perso de Bonham Carter, inoubliable). Âmes errantes, alcooliques, mélancoliques, les forces tragiques du film ne cessent d’enfler avant de nous péter à la gueule.

 

 

 

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On sait Depp féru de comédie franchouillarde (la Soupe aux Choux faisant irruption dans Charlie et la Chocolaterie) et Burton n’a jamais caché ses influences européennes. C’est dit tel quel par Barnabas quand il pénètre dans son manoir : un parfait alliage des styles Vieux Continent et Nouveau monde. Si Dark Shadows évoque parfois le Ozon de Sitcom, c’est Potiche qui semble convoqué ici : rapports de classe, conflits entre vieilles et nouvelles valeurs, reconstitution campy des 70’s façon France Gall VS les Carpenters. Mais ces thèmes y sont traités de façon très différentes.

 

 - Spoilers -

La sorcière, d’abord : il y a d’une part la misogynie (très Ozon dans le style) avec laquelle le personnage est croqué (la bitch en cabriolet, vénale, machiavélique: à peu de choses près, Cruella), et de l’autre, sa présence filmique sidérante ; on ne voit qu’elle, du début à la fin. Quant au vampire, il incarne des valeurs réacs et périmées mais aussi une nouvelle forme de marginalité, du genre alien. Les victoriens pro-life seraient-ils les nouveaux weirdos de Burton? La solution est ailleurs, précisément dans le final. Du soap grinçant, on bascule en plein dark opéra 100% premier degrés où chaque personnage trouve sa forme ultime. Des icones classiques, légendaires ou fééeriques, rassemblées dans la possibilité d'une famille plus forte. La promesse d'une revanche en note finale finit de nous foutre en l'air de joie. UNE SUITE PUTAIN!!

 

 

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 20:31

 

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Il y a plusieurs raisons qui font qu’ Avengers a toute sa place sur un blog où l’on cause image, culture et politique. La principale, c’est bien entendu Joss Whedon, son réalisateur et scénariste.

 

Fier du plus gros démarrage de tous les temps au box office américain la semaine dernière, Whedon hantait depuis un bout de temps les frontières du système hollywoodien sans pour autant les franchir. En 1997, il est à l’origine de l’une des séries les plus bizarres, les plus drôles et les plus cultes de l’histoire de la télévision : Buffy contre les Vampires.

 

 

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Je ne vais pas réhabiliter Buffy ici. Enfin si, oui, un peu. De toute façon, il semblerait que tout le monde retourne sa veste sur cette série après lui avoir craché dessus pendant des années. En France, tout du moins, où l’on continue d’opposer les basses cultures – les produits pour fillettes et/ou ménagères – aux produits culturels d’élite, qui seuls valent la peine d’être décrits et pensés. En dépit de cette conception très franco-française et bourgeoise de la culture, Buffy est toujours autant appréciée 10 ans après la fin de son format tv (poursuivi depuis en BD). C’est aussi la série télé la plus étudiées dans les universités américaines, au point où l’on parle de Buffy Studies pour décrire cette somme d’articles et d’essais consacrés à tout ce que Buffy, en 7 saisons, 1 spin-off, plusieurs comics et 3 milliards de fanfics, à mis en forme d’intensément zarb et de profondément original sur les rapports de sexe et de génération, sur la violence exercée tant au niveau intime que politique, mais aussi sur l’amitié, les familles choisies et le bonheur d’être ensemble.

 

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C’est précisément depuis les terrains culturels les plus honnis et déconsidérés que Buffy a distillé ses trésors : la Trilogie du Samedi, les soirées télé pour jeunes filles, les programmes pour collégienNEs débiles, les soirées d’M6 que personne ne regardait à part nous. On nous laissait regarder Buffy en pouffant, parce qu’on pensait que c’était de la merde, et que les ados aiment ça, de toute façon, la merde: inoffensive. Considérée comme une bluette pouffo-goth vaguement girl power, Buffy est devenue pour ainsi dire notre secret. Première série (à ma connaissance) élaborée depuis un cahier des charges explicitement féministe, Buffy nous a élevé, au sens où nous avons grandit avec, et tout contre. C’est l’histoire d’une geekette mal dans sa peau devenue la sorcière la plus puissante de la planète. D’un lycéen maladroit devenu champion contre les forces du mal. D’un démon vengeur en quête d’humanité. D’une pompom girl superficielle, tueuse de monstres, morte et ressuscitée douze fois, dont les aventures nous ont rendu plus forts et plus grands.

 

 

Le goût des portails magiques, l’intelligence des rapports d’équipe, l’autodérision, les références pop, tout ce qui fait de Whedon un Auteur, est présent dans Avengers, à des degrés divers. Mais si on attendait quelque chose de particulier de la part du créateur de Willow et Faith, c’était surtout au sujet de Black Widow, seul personnage féminin d’une équipe tout en pectoraux.

 

 

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 Aujourd’hui, quand on parle de « parité », on pense d’abord à des quotas et à de la représentativité. Pourtant, le concept de parité suppose bien plus : on parle d’un régime de pairs, c’est à dire d’individus non seulement égaux mais spontanément solidaires les uns avec les autres (Colette Guillaumin, Le Corps Construit). La parité induit que les pairs fassent corps. Une façon d’être aux autres éminent genrée, constitutive de l’identité masculine. Hier encore j’entendais de la bouche d’une collègue qu’Aubry ne ferait pas une bonne ministre parce que trop « chipie » et que « les filles entres elles, enfin vous savez… ». Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que Fabius est une sale pestouille, qui plus est jalouse. Le patriarcat ne s’est pas contenté de monter les femmes les unes contre les autres dans un rapport de rivalité, c’est toutes les modalités d’être-aux-autres qu’il distribue de façon asymétrique : les femmes dans des rapports d’exclusivité et/ou de disponibilité physique absolu, les hommes dans un rapport fraternel de coopération qui maximise leurs potentialités dans l’effort. Couplé au système capitaliste et militariste, on se rend bien compte que cette distribution ne profite ni aux premières ni aux seconds. Privilège d’hommes, donc, que d’être comme un seul homme, privilège maintenu et consolidé au travers de technologies sociales diverses (au hasard : le sport, le cinéma…).

 

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C'est tout le sujet d’Avengers: comment créer une entité composite à partir d’individus que tout oppose à première vue. Pour Joss Whedon, auteur des empowered women, l’enjeu genré de cette adaptation se situe dans le personnage de Black Widow, qu’il s’agit de faire exister au sein d’un crew essentiellement masculin tout en évitant d’avoir recoure à des formes narratives sexistes. En d’autres termes, il s’agit de faire de l’unique personnage féminin un pair sans pour autant la faire exister sur un mode différentialiste ou exceptionnel : ni « touche féminine » ni caution sexy, et surtout pas de rouge à lèvres bionique qui puisse recadrer le personnage dans sa féminitude. Et c’est là où l’on mesure toute la sensibilité de Whedon à ces questions. Jamais le personnage n’est inscrit à l’intérieur de rapports de séduction (comprendre : de prédation hétérosexiste) ou de tensions de genre. Pas même avec Hawkeye, à qui Whedon réserve quelques scènes de confidences étonnement sobres et puissantes. Poser ainsi le personnage est déterminant pour le faire exister en lui-même et non au travers de ce qu’il provoque chez les autres personnages.

 

 

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Que ce soit dans le regard du spectateur, dans celui des autres personnages ou dans l’intersection des deux, Black Widow n’est jamais un objet. En termes cinématographiques, cela veut dire : aucun plan « boucherie » (corps découpé/fétichisé) ni aucun dialogue exploitant l'asymétrie des rapports de sexe. Le corps de Johannson n’est jamais agencé de manière a susciter un impact érotique : il est d’abord énoncé selon la grammaire athlétique et dynamique du corps d’action, avant d’être un phénomène visuel plaisant. Black Widow, humaine sans superpouvoirs, est mise en scène à bout de force, haletante, transpirante, mais toujours au front, au top. Malin. Un autre exemple est la scène introductive du personnage: un interrogatoire bondage classique où Scarlett, en robe de soirée, règle leurs comptes à trois bad guys. La violence sexuelle est ici désamorcée par un humour iconoclaste et buffyesque en diable (« Hold on. »), la scène se concluant sur une paire de talons ramassée au sol, comme ces anglaises tenant à la main leurs stilettos à la sortie des boites de nuit;  le détachement du personnage vis à vis des codes de la féminité est ici clairement marqué.

 

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La différence sexuelle selon Whedon n’est plus un ordre qu’il faut sans cesse et à tout prix réaffirmer, célébrer, comme l'auraient fait, au hasard, Michael Bay ou Stephen Sommers, mais plutôt un voisinage (Prokhoris) ou une nuance ; pas un différentialisme, mais du différentiel (Scherer) par lequel la puissance du groupe composite des Avengers est pleinement atteinte (au terme d’un final prodigieux).

 

On redécouvre Johasson dans ce film, son visage d’abord, comme si on l’avait exhumée des trois tonnes de maquillages sous laquelle elle repose d’ordinaire, plus de gloss hyper-pneumatique, juste son visage, et enfin sa voix, cassée, qui nous rappelle les rôles de meufs blasée et ordinaire dans lesquels elle excellait.

 

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Il y aurait un paquet d’autres choses à dire sur Avengers et son auteur, à commencer par ce tour de force absolument vertigineux que représente la dernière demie heure, où tu finis debout sur ton siège, le slip sur la tête. J’ai eu beaucoup de mal à effacer cette putain d’expression de ravi de la crèche en sortant du ciné, l’impression qu’on m’avait tout donné, qu’on m'avait resservi trois fois du dessert, d'en avoir reçu plein la tronche. La scène du train dans Spiderman 2, que je croyais indépassable, est pourtant carrément explosée, amplifiée sur plus d’une demie heure. C’est l’histoire d’un des plus grands créateurs d’univers de ces dernières années, le plus humble aussi, à qui l’on confira des projets toujours plus gros, à qui l’on donnera toujours plus de liberté, sur lequel on pourra toujours compter. L’événement cinématographique de 2012.

 

 

 

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 21:42

 

La liste (provisoire) des films en compétition officielle à Cannes vient d'être dévoilée: sur 22 réalisateurs, aucune réalisaTRICE. Il y a fort à parier que ce constat, immédiatement choquant et révélateur du conservatisme absolu de cette institution, ne sera relevé par aucun média ciné français qui, à l'image de Thierry Frémaux, jouissent du luxe de s'en foutre. Littéralement: ils s'en foutent, ils ne se posent pas la question puisqu'ils n'ont pas à se la poser. L'industrie du cinéma n'échappe pas au sexisme systémique de nos société, bien au contraire: elle le célèbre à travers ses institutions et le perpétue en diffusant massivement des représentations sexistes qui consolident les normes de genre.

 

Pourtant, les auteurEs ne manquent pas. En France, on a pu observer une mise en avant inédite de jeunes auteurEs: on pourrait même parler d'un phénomène culturel. De Valérie Donzelli à Céline Sciamma, en passant par Rebecca Zlotowski (Belle Épine), Katell Quillévéré (Un Poison Violent), Sophie Letourneur (Bienvenue au Ranch) et d'autres encore. On a vu Maïwen exploser avec Polisse et Julie Delpy trouver enfin son public avec pas moins de trois films sortis en quatre ans. Même Despentes à pu trouver la thune pour faire sa comédie lesbo-punk! 

 

À l'international, dans le sillage de Campion et Coixet, des auteurEs s'envolent: Kelly Reichardt (La Dernière Piste), Andrea Arnold (Fish Tank). À Hollywood, on ne peut plus faire sans Diablo Cody, et Drew Barrymore s'est imposée avec son génial Whip It. En 2008, le Twilight de Catherine Hardwicke devient le plus gros succès d'une femme réalisatrice au box office. Des hommes lui succéderont, en dépit de la patte singulière qu'elle imposa à ce premier volet. L'Oscar remporté par Bigelow en 2009 pour Démineurs n'y aura au final rien changé, puisqu'en 2012, aucune réalisatrice ne concoure pour la statuette.

 

Malgré tout ces indices de changement, Thierry Frémaux trouve le moyen, sur vingt deux films en compétition (vingt deux!!), de n'offrir sa chance à aucune réalisatrice. L'idée que la qualité des films devrait primer sur le genre de leurs auteurs est un argumentaire sexiste classique et hypra usé, duquel transpire l'idéologie dominante, celle-la même effective depuis les tapis rouges jusqu'aux Cahiers en passant par les écoles et les facs de ciné.

 

"Au lieu d'élever le cinéma vers le monde pur des idées, on l'abaisserait vers le monde impur des rapports sociaux de sexe, auquel la création artistique devrait le soustraire, en tout cas dans la tradition culturelle française où l'art autant que la politique sont censés relever d'une universalité qui prétend transcender la différence des sexes, au profit d'une masculinité qui s'érige en norme neutre de l'humain." (Burch et Sellier, Le cinéma au prisme des rapports de sexe, 2009)


 

Certes, une femme réalisatrice ne réalisera pas forcément un film progressiste et féministe. En revanche, elle aura plus de chances de le faire qu'un réalisateur. Mais à vrai dire on s'en fout. Là n'est pas la question. Ces écarts ne disent qu'une chose: donner une forme cinématographique à sa réalité sociale et à ses affects est un pouvoir, et comme tout pouvoir, celui-ci est confisqué par une classe qui exploite et domine les autres.

En m'aidant du rapport du CNC sur les coûts de production cinématographique, j'ai isolé les films français réalisés par des femmes en 2011 en y ajoutant des liens vers les bandes-annonces. Sur 26, je n'en ai vu que deux: Tomboy et Angèle et Tony. Le premier est un vrai chef d'oeuvre, le second est un film à l'élégance parfaitement inhabituel. 

 

 

 

        Coût inférieur à 1M€

(coût de fabrication définitif après fin de tournarge. Coût moyen: 4,7M€)


En ville, Valérie Mréjen

Tomboy, Cécile Sciamma

Belleville Tokyo, Elise Girard

 --> 3 sur 19

 

 

 Coût compris entre 1M€ et 2,5M€

 

Pourquoi tu pleures, Katia Lewkowicz

Pieds nus sur les limaces, Fabienne Berthaud

Propriété Interdite, Hélène Angel

La Lisière, Géraldine Bajard

Contre-toi, Lola Doillon

Ma compagne de nuit, Isabelle Brocard

D'amour et d'eau fraiche, Isabelle Czajka

Belle Épine, Rebecca Zlotowski

Les Secrets, Raja Amari

Notre étrangère, Sarah Bouyain

Angèle et Tony, Alix Delaporte

 --> 11 sur 32

 

 

  Coût compris entre 2,5M€ et 4M€

 

My little princess, Eva Ionesco

 --> 1 sur 25

 

 

 

Coût compris entre 4M€ et 5,5M€

 

Il reste du jambon, Anne Depetrini

Gigola, Laure Carpentier

No et moi, Zabou Breitman

Sans Queue ni tête, Jeanne Labrune

La Permission de Minuit, Delphine Gleize

Mon père est une femme de ménage, Saphia Azzeddine

Sport de filles, Patricia Mazuy

 --> 7 sur 16

 

 

  Coût compris entre 5,5M€ et 7M€

 

 

          Et soudain, tout le monde me manque, Jennifer Devoldere 

          --> 1 sur 12

 

 

 

 Coût compris entre 7M€ et 15M€

 

 

Donnant, donnant, Isabelle Mergault

Un Balcon sur la mer, Nicole Garcia

La croisière, Pascale Pouzadoux

 --> 3 sur 27

 

 

  Coût supérieur à 15M€

 

--> 0 sur 4

 

 

 

Total

26 films sur 135 

 


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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 13:24

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Depuis 40 ans toujours puceaux jusqu’au plus récent Funny People, les productions Apatow remportent un succès critique assez hallucinants en France. Inrocks, Cahiers et Chronicart louent un mélange efficace d’humour caca/prout/zizi et d’écriture comique hyper sensible. Sous le caca, il y a un petit cœur qui bat : le cœur d’un homme hétéro du XXIème siècle en proie à des pannes de couilles, exprimées tantôt au travers d’éjaculation précoce, tantôt par une tendresse ambiguë envers ses meilleurs potes. Loin d’en déstabiliser les fondements, les films labélisés Apatow discutent de l’hétérosexualité sans jamais la subvertir, et tracent de film en film les contours de ce qui est sentimentalement acceptable et sexuellement licite. La veine trash, comme souvent dans les comédies s’en réclamant de manière plus ou moins agressive,  sert à détourner l’attention d’une morale franchement conservatrice en plaquant des vannes vulgaires et borderline dans la bouche de leurs personnages.

Bridemaids, le plus gros succès d’Apatow à ce jour, est aussi la première de ses comédies à utiliser explicitement un prétexte de genre comme argument de vente: il s’agit de réinterpréter un répertoire comique traditionnellement masculin, la comédie grasse alcoolo-sentimentale, avec des personnages féminins.

 

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Une des rares scènes vraiment marrantes du film.

 

 

Le petit frisson transgressif qu’on nous vend ici réside dans l’abolition d’un privilège comique hautement masculin : celui de pouvoir se chier dessus. En langage Cahier du cinéma, cela donnerai : Réinvestir Le Corps-Comique Féminin De Ses Puissances Scatophiles. Ce que nous traduirons par : venez ENFIN découvrir une comédie américaine dans laquelle des filles ont la crotte au cul ! Rien ne différencie Bridesmaids de Bridget Jones, si ce n’est cet argument girl power qui nous fait croire qu’il est subversif de montrer des demoiselles d’honneur se faire caca dans la culotte.

 

Il y a bien un moment où Bridesmaids s’aventure sur un circuit amoureux totalement débalisé, celui du trio formé par Annie, Lylian et Helen. Plus proche d’un I Love You, Man que d’un Very Bad Trip, cette histoire de jalousie entre copines est la vraie histoire de Bridesmaids : potentiellement magnifique, elle est sans cesse rabattue, rampant comme un secret au pied du film. L’homosexualité latente culmine et manque tout à coup de péter dans la scène du brunch : hélas, les auteurs viennent nous rappeler dans quel territoire nous sommes en lâchant une bonne grosse vanne homophobe. Une fois l’abcès lesbien crevé, Bridemaids peut repartir sur ses petits rails étriqués et conclure son propos à la manière d’un guide de rééducation hétérosexuelle. Et soudain cette scène qu’on a vu 40 fois : la fiancée, au matin de son mariage, en proie à la panique, est incapable de sortir de son plumard. Elle flippe parce que grosso modo elle n’aura plus d’indépendance, plus de chambre à elle (c’est dit explicitement). « Oui mais c’est pour ton bien ! » lui souffle sa copine. Cut. Musique + feu d’artifice + mariage + baiser. Fin.

 

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Un personnage de grosse dégueulasse, avec un coeur gros comme ça.

 

  

Outre cette manie typiquement hollywoodienne de circonscrire le sexuellement déviant à l’intérieur d’un personnage de gros porc (ici une grosse truie), on notera également la présence du personnage récurant de flic marrant et sympa. Les auteurs auraient pu choisir n’importe qu’elle profession pour le prince charmant chargé de sauver l’héroïne de sa détresse sentimentale, mais non, ils ont choisi d’en faire un flic. Un flic gentil, maladroit et un peu bonhomme, dont le privilège d’user de la force et de la violence sur les autres sert de prétexte à quelques gags de droite. Impossible de se tromper sur le contenu éminemment conservateur de Bridesmaids, qui dans la lignée de Superbad et Forgetting Sarah Marshall, tend à vouloir consoler un régime sexuelle malade de ses prescriptions de genre exclusives et oppositionnelles.  

 

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 13:14

 

 

Ça va être chaud pour moi de parler de Bye Bye Blondie sans évoquer d’abord King Kong Théorie, et oui, forcément,  on va déborder un peu de la critique ciné pour parler de trucs hardcore qui ont trait à la littérature et donc à la vie (lol).

 

 

King Kong Théorie fait parti de ces bouquins qui m’ont radicalement transformé et pour lesquels je voue un culte profane et déglingué. Il y a une     poignée de livres comme ça, my own private pléiade, mon top of the tops pédé,  des textes dont je ne parviendrai jamais à épuiser les ressources et qui n’auront jamais finit de me réécrire, politiquement et intimement. Une fois par mois, par semaine, à mesure que je les relis, que je les digère, que je les cite, que je les corne, c’est comme une infusion, une langue maternelle que je retrouve et qui me rend plus fort. Ce sont, entre autres, Nicolas Pages, Histoire de la Sexualité, Surveiller et Jouir, mais King Kong Théorie est ailleurs, avec sa puissance rien qu’à lui, car, pour le dire avec la voix-off du trailer de Prometheus : « c’est par lui que tout a commencé ». J’avais 20 ans : je ne lisais pas beaucoup et j’étais super énervé. C’est dans cet interstice qu’est venu se placer King Kong Théorie, tel une clé de voute, à un moment où je cherchais à mettre des mots sur des choses. C’est donc Virginie Despentes qui m’a enseigné l’urgence de lire et la nécessité de formuler mes révoltes, et qui du même coup m’a propulsé vers un nouveau pallier d’engagement – au sens de ce que tu vas investir personnellement dans la balance des pouvoirs pour la renverser. Je suis venu à la lecture par Despentes et à l’écriture par Dustan : Virginie et Guillaume, mes deux pères en littérature, poing levé + bite en l’air + amour inconditionnel. LOVE.

 

 

 

 

Je ne tiens pas à confisquer King Kong Théorie pour autant : c’est un livre culte, sans équivalent, absolument générationnel, qui a inventé son propre lectorat et qui devrait se trouver dans tous les CDI, BU et BM de France en 5 exemplaires minimum. C’est notre putain de petit livre rouge. C’est donc avec un sentiment de confiance et de curiosité que je suis allé voir Bye Bye Blondie, comme si j’allais retrouver des potes, et c’est absolument ce que le film m’a donné : des potes et des bières.

 

Je me suis marré du début à la fin, sans savoir parfois si je me marrais avec ou aux dépends du film, tant le machin ne ressemble strictement à rien de connu. J’ai pensé à The Craft, à Premiers Baisers, au Guerriers de la Nuit et beaucoup à The L Word, les scènes punk avec Soko sont tout simplement génialissimes, Béatrice Dalle est monstrueuse au sens franchement monstrueux du terme, et je dis ça avec toute ma péteuse admiration, elle est fabuleuse, charnelle, carrément cinglée. Il faut la voir pousser son caddy de clocharde à l’intérieur d’un appartement bourgeois, sa 1664 à la main et sa roulée dans le bec, puis relever la tête complètement foutue vers Béart, incapable de reprendre son souffle, les cheveux plaqués sur son crâne comme ceux de Fran Dresher quand elle fait de la moto (puisqu’on est dans les références 90’s dégueu). Bye Bye Blondie est un film qui donne l’impression de n’en avoir strictement rien à foutre de tout et surtout de cinéma, le film est fauché, pas très beau (à un travelling sur punks près) agressif au possible, enchainant les répliques improbables (« Mais de quoi tu vis ? » « D’amour, et de solidarité… Et de quelques vols aussi ! ») et les règlements de compte (la scène où Béatrice Dalle pète un fusible chez les bourges et où tu te retrouve debout sur ton fauteuil le poing en l’air !!). Il ne fait aucun doute que Bye Bye Blondie donnera à certains le sentiment de se faire abonnement cracher à la gueule pendant 1H30, et je pense tout particulièrement à ceux qui ne tolèrent pas de voir au cinéma des femmes exister indépendamment des hommes et en dehors de leur regard. En ça, le film de Despentes est une œuvre politique nouvelle qui attrape le cinéma français par le cou. Si comme moi les films d’Honoré vous plongent dans un état de sidération épouvantée au point de vous faire caquer du sang, Bye Bye Blondie a des chances de vous plaire.

 

 

 

 

Je vais pas m’attarder sur la transition lesbienne du roman vers le film, Despentes en a déjà beaucoup parlé (d’ailleurs je n’ai pas lu le livre… AH le faux fan !!). Arrivé au dernier quart d’heure, on aimerait voir la chose exploser, les actrices se mettre à baiser pour de vrai, enfourcher des bécanes, tirer à vue, canarder du bourgeois, mais ça c’est un autre film, et déjà celui-ci s’achève qu’on se met à l’aimer très fort pour ce qu’il est et non pour ce qu’il aurait du être. Il y a : Lydia Lunch, du bruit, des trucs qui pètent, des bastons, du punk, tout est là, immédiat, barjot, les fans boivent du ptit lait. Enfin, du russe blanc. Ouh non, plutôt carrément une 8,6 bien tiède. Un vrai scandale.

 

 

 

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 01:22

 

 

 

Tout est parti d’un petit article sur Drive ( oui, encore un !!) où il s’agissait de un faire bilan des trucs les plus dégueulasses vus au cinéma cette année. Cet article s’est transformé en gros google-fouinage compulsif de toutes les représentations de femmes aux commandes de véhicules motorisés.

 

 

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lol

 

 

La voiture a été commentée maintes et maintes fois pour évoquer l’asymétrie des rôles de genre, et notamment les rapports différenciés du corps au temps et à l’espace.

Dans son article Le Corps Construit (1989), Colette Guillaumin énumère les injonctions et les incitations qui depuis la naissance construisent le corps féminin comme une entité entravée, contenue, maîtrisée, dans son rapport au temps, à l’espace et aux autres corps.


« Les femmes restreignent sans cesse leur usage de l’espace, les hommes le maximisent ».

 

 Cette construction intensive et répétée, car jamais totalement achevée, intervient à tous les degrés de la vie sociale, dans les jeux, dans les exercices physiques, dans l’espace public, et  n’est pas sans effets sur la perception que l’on a de soi.

 

« La conscience individuelle, plus exactement la conscience propre d’un individu, celle de ses possibilités personnelles, de sa perception du monde, bref la conscience de sa propre vie, est déterminée par, et dépendante de, ces interventions physiques et mentales que pratique sa société. »

 

L’une des spécificités du corps construit masculin est l’utilisation d’intermédiaires à travers lesquels « la motricité, les muscles, déploient leur potentialité. » Ce sont, par exemple, les armes, et bien entendu les véhicules. Hommes et femmes utilisent tous deux la voiture, mais leur façon de l’utiliser n’est pas la même : les femmes en ont un usage quasi exclusivement utilitaire, sur de courtes distances, quand les hommes en ont un usage ludique voir sportif, et sur de plus longues distances.


 

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Penelope a PARFAITEMENT le droit de participer à la course...

...du moment qu'elle transforme son bolide en véritable machine de réassignation sexiste.

 

 

 

Dans Drive, le rapport du héros avec sa voiture est directement associé à cette maximisation quasi super héroïque de ses potentialités physiques. Sa fonction de driver lui confère de multiples privilèges spatio-temporels, comme celui de rouler un patin à sa promise « femme-enfant-fragile-palichonne » et d’atomiser la gueule à un type dans la même fraction de seconde et dans un même ascenseur – facilement l’un des pires trucs que j’ai vu en salle cette année.

Cette canalisation du corps des femmes, vouées à l’immobilité et à la retenue, fait partie d’un même processus de conditionnement  dont la finalité est le cassage de l’autonomie et de la prise en main de son propre corps.

 

« Restreindre son corps ou au contraire l’étendre, l’amplifier sont un rapport au monde en acte, une vision des choses agies. »

 

Le cinéma fait précisément partie de ces techniques qui donnent à voir autrement, et surtout, qui donnent à se voir autrement. Les films donnent à vivre des rapports corps/espace/temps puissamment autres : décuplés, découpés, étirés, démultipliés – plus vite, plus fort, plus loin. Si hommes et femmes font l’expérience spatiale et temporelle de leur corps d’une façon totalement asymétrique, leur expérience de spectateur de cinéma risque également de différer - notamment sur la question du plaisir, de ce qu’on aime regarder au cinéma, de ce qu’on trouve particulièrement fun à voir - pour le dire autrement, de ce qu'on va y déverser comme passion, et avec qu'elle intensité.  Je crois que c’est l’idée la plus mal comprise concernant mon article sur Drive (je m’en suis pris plein la gueule !). Premièrement ce sont des mecs hétéros qui m’ont tapé sur les doigts, genre qu’est ce que je suis pas allé inventer en plaquant du « gender studies » sur des films qui de toute façon flottent bien au-dessus de ça. Ah bon ? Déjà un film ça n’existe pas – pas tout seul : il s’agit toujours d’une expérience de visionnage, qui suppose un contexte, une réception, l’engagement d’une subjectivité dans un processus sémiotique – spectatorship (De Lauretis). Prendre en compte la place du spectateur dans et à travers le film, c’est aussi prendre en compte sa place de sujet dans l’histoire, dans des pratiques sociales données, place qui suppose des positionnements idéologiques hétérogènes, pour ne pas dire contradictoires (Claire Johnston, The Subject of Feminist Film Theory/Practice - 1980).

 

 

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On m'ôtera pas de l'idée que cette mode du derby a quand même autrement plus la classe que cette mode infecte du Burlesque.

 

 

 

On incombe le succès du roller derby en France au film de Drew Barrymore, alors que le succès (tardif !) de Bliss est d’abord corrélatif de la repolitisation récente des questions d’autonomie par les féministes. Bliss est un film qui participe à sa façon au desserrement de l’emprise patriarcale, et à la reprise en main par les femmes de leur propre corps dans ses potentialités : c’est le cinéma comme technologie de genre, pour reprendre la formulation de Teresa De Lauretis.

 

Cette compilation de « femmes aux volants » dans la pop culture procède donc de deux choses :

- du constat que des rôles comme celui de Carey Mulligan dans Drive sont profondément offensants et chiant sà regarder, qu’on a plus envie de voir ça, plus jamais.

- d’un hommage à Death Proof, film tellement qu’il est cool tellement qu’il orne ce blog ; film qui me procure un tel plaisir à chaque vision qu’il a bien fallut que j’interroge sur ce que ce plaisir avait d’important, par rapport aux autres, sur ce qu’il avait de politique aussi du coup, dans sa façon de proposer une expérience révolutionnaire – au sens « tout-faire-péter » du terme – de la violence, de la route, et du tressage orgasmique des deux.

 

Voila. Y'a gavé de liens à cliquer, je vous souhaite une bonne lecture.

 

 

 

 

 

 

 

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1. Les chauffardes hystériques

 

 

Les poubelles du net sont pleines de ces vidéos prises par des caméras de surveillance montrant des femmes incapables de faire un créneau (dans le meilleur des cas). Femme au volant, mort au tournant. Dans l’imaginaire collectif, la femme conductrice est une connasse parfaitement incapable de conduire un véhicule : un préjugé inégalitaire visant à casser stratégiquement la prise d’autonomie des femmes.

 

 

 

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Goudron + Plumes pour les femmes viriles et autonomes - l'humilation corrective made in Disney.

 

 

 

Les femmes conductrices portent une valeur excessivement négative chez Disney : associées à la clope, à la pollution, à la vulgarité et au surplus de maquillage, les inénarrables chauffardes que sont Cruella et Medusa sont des femmes indépendantes, qui ont du pouvoir, qui parlent fort, et qui vivent en marge de la norme hétérosexuelle du film. Ce pourquoi elles finissent châtiées. Medusa est par ailleurs flanquée d’un sous-fifre mou du cul et dévirilisé, Snoups, qui finira par la trahir (si ma mémoire est bonne). 

 

 

 

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"Une femme ivre faisant des embardées dangereuses vers le ravin"

 

 

 

Dans la comédie camp La Mort Vous Va Si Bien qui berça tout une génération d’enfants gays, Meryl Streep incarne une bourgeoise hystérique de Beverly Hills. Elle frôle l’accident de voiture en découvrant horrifiée son visage vieilli dans le rétroviseur. Son mari, qu’elle humilie, finira par planifier son assassinat maquillé en…accident de voiture. La dernière réplique du film provient de la tête parlante de Meryl Streep : « …Tu te souviens où on a garé la voiture ? ». La misogynie très pédé du film, héritée d'un Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? et d'un Mommie Dearest, tire son miel des clichés sexistes et met en scène les normes de genre dans leur plus totale bouffonnerie.

 

 

 

 

 

 

 

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2. Girl Power - Première vague : self-défense et rallye des gazelles

 

 

 

 

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Destiny's Child - Independent Women ; Britney Spears - Womanizer

Spice Girls - Spice Up Your Life ; Britney Spears - Stronger

 

 

 

 

Les Girl’s Band des 90’s finissant se sont logiquement emparé des bagnoles et autres véhicules comme activité empowering de groupe. Dans Spice Up Your Life, les Spice Girls conduisent un vaisseau spatial puis des planches anti-gravitationnelles, des activités associées à d’autres pratiques dites viriles, comme le DJing, la boxe ou les jeux vidéos. C’est un peu la même chose dans Independent Women, le single officiel de Charlie’s Angels, où la team à Beyonce s’adonne à la chute libre, au sport de combat et à la moto supersonique. Dans le clip de Question de Survie (2002), les L5 pètent un câble en niquant la vaisselle façon Caught Out There du pauvre, avant de partir en 4X4 avec les cop’s dans le désert saharien. Elles tombent en rade en plein désert et s’en suit un gag parfaitement potache sur la femme, la mécanique et leur incompatibilité génétique. Avec Stronger, My perogative et le sexy-ste Womanizer, Britney Spears est une habituée des clips vroum-vroum, d’autant que son unique essais cinématographique est un… road trip ( Crossroads). Dans Not Gonna Get Gus, les t.a.t.u. foncent à tombeau ouvert à travers la toundra au volant d'un énorme camion -citerne crachant les feux de l'Enfer lesbien (merci De La Montagne). Queen Latifah aussi se la régale en Mustang dans son clip de Fast Car.

 

 

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Je n'ai pas vu le film sur la droite, qui est un remake de la Coccinelle à Monte-Carlo avec Lindsay Lohan.

Qui pour me jeter l'opprobre? Vous? Vous?

 

 

 

Au cinéma, Charlie’s Angels met en scène son trio féminin à la manière d’un jeu vidéo (comme 99% des films d'action me direz-vous) les super-agents étant confrontées à une série ininterrompue d’épreuves sollicitant leur coopération, leur prise d’initiatives et leur solidarité dans l’effort – je parle comme un Curriculum Vitae, mais c’est ça. En d’autres termes, les situations de crises qu’elles rencontrent nécessitent qu’elles s’approprient des comportements et des pratiques confisqués par les hommes : sports extrêmes, sports de combat, usage d’explosifs et de véhicules motorisés. On se souvient de la course de F1 opposant Cameron Diaz à l'Effroyable Sac d’Os, mais on se souvient surtout de la sortie de scène mythique de Demi Moore, disparaissant à moitié nue dans sa Viper rouge : le girl power à son point d’incandescence virile suprême.

 

 

 


 

 

 

 

- Interlude -

 

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J'ai pas réussi à caser ces deux là. 

 

 

- Fin de l'interlude -

 

 

 

 

 

 

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3. Girl Power – Deuxième vague : la femme-augmentée

 

 

 

 

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Matrix - Wanted

Dark Angel - Doomsday

 

 

Si on prend Matrix et qu’on le dégraisse efficacement de tout son surplus adipo-philosique (de mes couilles), apparaît alors une certaine audace dans la représentation des normes de genres et de races. Le personnage de Trinity, super fighteuse BDSM pilotant tout et n’importe quoi, inaugure une nouvelle vague de personnages féminins puissants,  évoluant au sein des genres cyberpunk, biopunk et cybergoth. Mutantes (Dark Angel, Resident Evil, Ultraviolet) créatures virtuelles (Matrix, Tron Legacy) ou créatures nocturnes (Blade 2, Underworld), nombreuses sont ces héroïnes solitaires et maudites que l’on croise au volant d’hélicoptères, de moto ou de voitures de courses. On en a vu un récent exemple en la personne du Major Eden Sinclair, héroïne de l’actioner Doomsday, qui nous régale d’une course-poursuite old school entre une voiture de sport et un cortège de vieux tacots à pointes façon Mad Max. Si la filmo de Neil Marshall (The Descent, Centurion) confirme un certain soucis, très cameronien au demeurant, de donner du pouvoir cinégénique aux femmes, on ne peut pas en dire autant de toutes ces prods SF plus ou moins pourraves avec Mila Jovovitch, dont la profusion est imputable en premier lieu à la mainstreamisation de la culture geek (pétasse en cuir + zombies = des sous). On est très loin d'un radicalisme à la Buffy. 

 

 

 

 

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4. Tant qu'à faire: quelques pilotes de l’espace

 

 


James Cameron, spécialiste des « femmes augmentées », aime à mettre son un guidon entre les mains de ses personnages féminins : One Night dans Abyss, Michelle Rodriguez dans Avatar, et bien évidemment Aliens, où la fusion de Ripley avec son "robot de charge" procède d’une véritable iconisation de la femme augmentée, équipée, aux potentialités physiques démultipliées.


 

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Science-fiction politique mille fois commentée, Starship Troopers (1997) dépeint une société fasciste hyper militarisée dans laquelle les rapports de genre et de race ont été aplatis en vue d’une maximisation des effectifs militaires. Hommes et femmes de toutes races évoluent dans une mixité totale, des pratiques sportives jusqu’au champ de bataille (avec une forte analogie entre les deux) et jouissent d’une égalité des droits absolue… du moment où ils s’engagent dans l’armée. La culture dominante reste malgré tout l’hétérosexualité, fortement encouragée comme dans toute société expansionniste et violente qui se respecte. Le personnage de Carmen est pilote dans la flotte spatiale, un poste réservé aux élites intellectuelles, alors que son boy-friend Johnny est simple troufion. Les rapports de genre dans Starship Troopers sont parfaitement horizontaux :  personnages masculins et féminins partagent équitablement les positions de forces et de faiblesses, le film nous questionnant ainsi sur ce qui est désirable, en termes de divertissement comme en termes de société. Finesse inouïe du pamphlet politique, intelligence dévastatrice de la satire.

 

 

 

 

 

 

 

 

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5. Cette voiture est le symbole de mon indépendance de Teen

 

 

 

Mettre une fille au volant d’une voiture est un procédé souvent utilisé pour créer une tension de genre et introduire un trouble, non sans humour. Il s’agit parfois de souligner le coté juvénile et inexpérimenté du héros en le dévirilisant. Au hasard : Néo/Trinity dans Matrix, Linguini/Colette dans Ratatouille, Martin Short/Meg Ryan dans l’Aventure Intérieure, et plus récemment Kick-Ass/Hit Girl.


 

teen

The Doom Generation - Twilight 2

Kick-Ass - Pretty In Pink

 

 

 

L’adolescente motorisée est une figure récurrente du teen movie : indépendante, originale, quand elle n’est pas marginale. Dans Twilight, Bella conduit une camionnette rouge qui exprime à la fois son isolement intérieur (elle ne s’en sert pas pour faire la tournée des grands ducs avec ses potes) et son désir d’échapper à un quotidien assommant. La mécanique reste un privilège masculin dont elle est dépendante et qui sert de prétexte scénaristique secondaire. La scène où elle dépose Jacob avec sa voiture est tout à la fois un ressort comique et une façon de mettre en scène la complexité de leur relation, amicale donc hautement abrasive.

Dans Pretty in Pink (1986), les relations entre les personnages se nouent toujours à la jonction intérieur/extérieur des trois hauts lieux du teen movie : le lycée, la maison parentale et la voiture. Andie possède la sienne, une extension rose bonbon de sa personnalité originale. Elle sert d’abord de lieu à une scène d’intimidation sexiste par le personnage de classe supérieure (le film traitant des rapports de classe). Comme dans Twilight, la scène où Andie ramène Ducky sert à illustrer la non réciprocité de leurs sentiments et la complexité de leur amitié. On retrouve la même scène dans American Pie, quand le personnage du capitaine de football tente de draguer maladroitement une étudiante de fac (étudiante en "féminisme post-moderne"!!).

Dans The Doom Generation (1995), c’est Amy qui conduit, et c’est sa caisse qui porte le road trip. Sa relation avec Jordan est anticonformiste et les termes genrés de séduction et de sexualité y sont inversés : Amy a le dessus sur Jordan, encore un pied dans l’adolescence. Une situation qui pose un trouble, propice à l’arrivée du troisième personnage.


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Il y aurait eu beaucoup à dire sur Brenda également. SFU forever!!! <3

 

 

Claire, la benjamine de Six feet Under, est indisociable du corbillard vert pomme qu’elle conduit. Véritable extension d’elle-même, en mode escargot (elle y dort, y baise, y fume) la voiture est le prolongement de sa personnalité toujours en marge (de sa famille, des autres jeunes), de sa précocité, de son independance. Duo emblématique de la série, ils ont très logiquement été choisi pour illustrer le final cœur-qui-bat/yeux-qui-mouillent/fuite-en-avant de  la série – final parfaitement ultime.

 

 

 

 

 

 

 

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6. " Sur ce, salut les filles, et meillleure route... "

(V. Despentes)

 

 

 

 

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Jackie Brown - Faster Pussycat, Kill! Kill!

Thelma et Louise - Kill Bill


 

Si beaucoup de films utilisent la conduite automobile pour ce qu'elle est à même de produire comme matières, lumières, scénarios, vitesses ou personnages, peu l'utilisent pour les questions féministes qu'elle noue. Death Proof et Thelma et Louise sont de ceux-là. En fait je vais avoir le plus grand mal à m'exprimer de façon raisonnée, comme à chaque fois qu'il s'agit de Tarantino, mais bref: il y a cette scène à la fin de Jackie Brown, c'est la dernière scène, Pam Grier se fait la malle en roulant sur Accross the 110th Jump Street. C'est la plus belle scène de Tarantino, celle qui bouleverse à chaque vision ; un moment charnière dans sa fllmo qui propulse ses oeuvres à une vitesse totalement autre. C'est aussi un tremplin pour Kill Bill et Death Proof, et une ligne tracée entre les styles, les époques, les luttes, qui canalise à leur maximum les énergies politiques contestataires propre à l'exploitation. Jusqu'à l'orgasme final de Death Proof, où cette énergie nous explose littéralement à la gueule. Il y aurait des tas de choses à dire sur Uma Thurman et son Pussy Wagon, ou Zoé Bell et sa Dodge Challenger, je referme donc ce guide non exhaustif et purement fun et vous invite à revoir ces magnifiques films.

 

 

 

 

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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 13:51

 

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L'inimitable odeur du roussi accompagnant chaque remake inutile.

 

 

 

Tout partait probablement d’une bonne intention : réaliser un vrai-faux remake de The Thing, avec Mary Elizabeth Winstead dans le rôle de Kurt Russel. Soit : remplacer l’icône testo-burinée de l’actioner 80’s par l’icône de la geek generation, la meuf à Scott Pilgrim.Un choix de casting d’autant plus ironique que la carrière de Winstead fut lancée grâce à Death Proof, dans lequel Russel, en relique épuisée du ciné-machisme, se faisait latter par une bande de cascadeuses cinglées.On sent comme une volonté de gentiment moquer Carpenter, qui malgré son tardif et supra Z Ghost of Mars (situé dans un futur pseudo-matriarcal) trimballe une filmographie excessivement couillue : c’est parfois douloureux de revoir Vampires, avec sa misogynie balancée entre ironie et complaisance (le perso de la pute). Mais faire du post-Carpenter, c’est surtout se frotter à un très Grand du cinéma : autant dire que l’équipe de ce remake ne tient pas la route une seule seconde, et que l’idée d’une relecture girly du mythe est liquidée dès les premiers plans.

 

 

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Une tentative de relecture girly parfaitement râtée.

 

 

 

The Thing – 2011 démarre en moins de 2 minutes, ne s’embarrasse d’aucune exposition, d’aucune psychologie et surtout d’aucun personnage. On voyage léger. Winstead est une paléontologue choupette, elle farfouille dans une carcasse congelée et la minute d’après, la voilà en Antarctique, entourée de 12 norvégiens barbus (plus une française un brin flippée). Grosse ambiance, le gang bang scandinave menace à chaque recoin, les deux nanas s’échangent des regards inquiets/complices pendant que les hommes vident les réserves de whisky entre deux chansons paillardes. On sent quelques tentatives pour créer des tensions de genre : l’équipe de scientifiques est dirigée par un odieux connard paternaliste obsédé par sa découverte et qui ne supporte guère de se faire contredire par Winstead devant d’autres mecs. Il faut dire que la pauvresse avait simplement ÉMIS l’idée qu’il aurait mieux fallut ne pas décongeler trop vite cet alien over griffu de 12 tonnes extrait d’une soucoupe bien glauque, SAIT ON JAMAIS ! Les plans qui suivent lui donneront raison puisque la bête se fait la malle avant d’absorber les Norvégiens un par un, à l’aide de ses saloperies de tentacules dégueus.

 

 

 

 


 

 

 

 

Les effets spéciaux sont assez beaux et il y a bien une scène où le film parvient à être effrayant, un beau moment d’angoisse dénudée qui reprend la scène de la cuisine dans Jurasic Park (une des trois meilleures de Spielberg, copiée jusqu’à la mort). Les apparitions de Winstead armée d’un lance-flamme n’ont qu’un très lointain lien de parenté avec ce qui faisait d’Ellen Ripley un personnage transgressif et, disons-le, révolutionnaire. Il faut revoir Alien (et surtout Aliens) pour mesurer tout le génie narratif et visuel de cette œuvre dans laquelle Ellen Ripley, figure d’arrière-plan, s’emparait petit à petit et triomphalement du premier rôle, pour au final devenir une icône. Elle y parvenait à force d’épreuves, d’initiatives, de cauchemars, de confrontations démentes, au point que le film d’horreur et le film d’action, dans leur forme traditionnelle masculiniste, s’en retrouvaient totalement reconfigurés. Rien n’advient dans The Thing, le personnage féminin principal reste misérablement engoncé du début à la fin dans une posture de retenue, de méfiance et de discrétion qui, au final, la sauve ( ? ), mais qui à aucun moment ne lui donnera de corps, de personnage : de forme. Mettre un lance-flamme dans les mains d’une geek ne suffit pas à transgresser les archétypes sexistes du cinéma d’action. Il manque à ce personnage quelque chose de fiévreux et de vivant, dans lequel les privilèges du premier rôle d’actioner auraient pu réellement s’incarner.

 

 

 

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"J'ai pas besoin qu'on me tienne la main!"

 

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